Le Daghestan, terre de champions de MMA
- Pierre Yan
- 23 juin 2024
- 4 min de lecture
DerniĂšre mise Ă jour : 24 oct. 2024
Mis en lumiÚre depuis plusieurs années, pays natal de plusieurs combattants invincibles tels que Khabib et Umar Nurmagomedov, du champion numéro 1 toutes catégories confondues Islam Makhachev, ou encore de l'actuel numéro 4 middleweight Nassourdine Imavov, le Daghestan, terre de champions MMA, suscite plus que jamais la fascination du public.
Mais qu'est-ce qui rend donc cette république fédérée de Russie, située dans le nord du Caucase, aussi importante dans le monde des arts-martiaux mixtes ?
Décryptage.

Viens au Daghestan, Cyril. Tu dois venir ici, rester 1 ou 2 ans, apprendre la lutte et apprendre à mieux te défendre. En France, vous n'avez pas ce passif.
En 2022, Khabib Nurmagomedov (ex-champion lighweight de l'UFC invaincu en 29 combats), s'adressait ainsi Ă notre Ciryl Gane national aprĂšs que ce dernier se soit inclinĂ© lors de son combat face Ă Francis Ngannou. Cette dĂ©faite Ă©tait majoritairement liĂ©e aux lacunes en lutte du Bon Gamin. Depuis, les propos de l'ancien champion ont frĂ©quemment Ă©tĂ© repris sur les rĂ©seaux sociaux, plus encore lorsque Ciryl Gane s'est une nouvelle fois inclinĂ© par soumission face Ă Jon Jones en janvier 2023, aprĂšs seulement deux minutes du 1er roundâŠ
Des propos de Khabib, une chose demeure certaine : la France n'a absolument pas le mĂȘme passif en lutte et en grappling que le Daghestan. D'ailleurs, aucun pays au monde ne semble vĂ©ritablement rivaliser avec cette province du Caucase, sauf peut-ĂȘtre le BrĂ©sil.
Depuis le début des années 2010, plus d'une quinzaine de combattants originaires du Daghestan et du Caucase se sont illustrés sur la scÚne internationale en MMA. Outre Khabib, il y a bien entendu Islam Makhachev (26-1, champion lightweight de l'UFC), mais aussi Magomed Ankalev (19-1-1, ex-challenger à la ceinture light-heavyweight de l'UFC), Umar Nurmagomedov (17-0, cousin de Khabib), Usman Nurmmagomedov (18-0, son petit frÚre champion lighweight du Bellator), notre cher Nassourdine Imavov (14-4, actuel numéro 5 des middleweight à l'UFC) ou encore le "lazy king" Abdoul Abdouraguimov (champion welter et middleweight de l'ares).
Du sacré beau monde ! Et encore, nous n'en avons énuméré qu'une partie, sans compter les autres combattants affiliés de prÚs ou de l'un au Caucase, tels que Baki (Baysangur Chamsoudinov) ou encore Khamzat Chimaev, tous deux d'origines tchétchÚnes.
Pourquoi les combattants daghestanais dominent-ils à ce point le circuit professionnel mondial, et comment expliquer leur quasi-absence de défaites ?
Les raisons sont principalement sociologiques.
Le Daghestan est une rĂ©publique nichĂ©e au milieu des montagnes du Caucase, oĂč la vie y est particuliĂšrement dure (surtout l'hiver) et oĂč une grande partie de ses habitants vivent dans des zones rurales Ă haute altitude, oĂč l'accĂšs Ă l'eau et Ă l'Ă©lectricitĂ© est parfois difficile. Ajoutez Ă cela un certain nombre de guerres, mais aussi les rĂ©percussion terribles de la chute du bloc soviĂ©tique durant les annĂ©es 90, et vous comprendrez mieux le mental d'acier dont sont pourvus la plupart des athlĂštes qui y grandissent. Les opportunitĂ©s professionnelles s'y font rares pour rĂ©ussir Ă bien gagner sa vie, ce qui explique pourquoi un trĂšs grand nombre d'hommes se tournent vers le MMA pour ensuite espĂ©rer faire carriĂšre Ă l'UFC, ou dans d'autres ligues internationales telles que le Bellator ou le PFL.
Enfin, le Daghestan est une société essentiellement patriarcale ; les hommes y sont trÚs vite éduqués à la confrontation et au combat, en plus de devoir effectuer leurs entraßnements sur des terrains trÚs montagneux.
Ci-dessous, un extrait Ă la tĂ©lĂ©vision russe des entraĂźnements qu'Abdulmanap Nurmagomedov, le regrettĂ© pĂšre de Khabib dĂ©cĂ©dĂ© en 2020, faisait suivre Ă ses combattants pour les prĂ©parer Ă leurs combats dans l'octogone. On peut notamment les voir courir, s'Ă©chauffer, et rĂ©pĂ©ter leurs prises et techniques de lutte Ă des kilomĂštres d'altitudesâŠ
Pour conclure, la place prépondérante qu' a longtemps eu le sambo dans le Caucase, ce sport de combat hybride né en Union Soviétique qui mélangeait déjà de nombreuses techniques de combats, y est sans doute pour quelque chose. Si les combattants daghestanais sont aussi dominants et complets, c'est probablement grùce à leur expérience précédente dans des sports de contact et de percussions, qui sont une norme culturelle dans leur pays. La pression perpétuelle qu'ils mettent à leur adversaire durant leurs combats, ainsi que leurs projections et leur façon de mener le combat au sol⊠tous ces éléments montrent bien le rÎle capital qu'a joué le sambo dans la vie d'un grand nombre de combattants d'origines caucasiennes et daghestanaises.

Avec la derniÚre défense de titre d'Islam Makhachev face à Dustin Poirier ce mois de juin, et l'arrivée prochaine d'Umar Nurmagomedov dans le top 5 bamtamweight de l'UFC s'il venait à s'imposer face à Cory Sandhagen le 3 août prochain, nul doute que la dynastie daghestanaise a encore de longs jours devant elle.
Toutefois, contrairement à un préjugé en vogue chez une partie du public, les combattants daghestanais ne sont pas tous spécialisé en lutte ni en grappling, et certains choisissent au contraire de mener leurs combats debout, en pur striking. C'est notamment le cas de Said Nurmagomedov, ou du trÚs intimidant Shara Magomedov (11 victoires par KO), qui a récemment mis KO Trocoli à l'UFC Fight Night en arabie saoudite.
Par Pierre Yan.